Hugo Cornu CTO One Biosciences : Les Large Genomics Models au service de la santé

Écrit par Pierre Sinodinos, le 07 juin 2024

Hello Hugo, tout d’abord, merci d’avoir accepté cette interview. Tu connais Aneo et notre double passion, pour les startups d’un côté et la Tech de l’autre !  Comme tu le sais, nous animons un cercle de DSI, mais aussi une newsletter à destination des startups pour lesquelles la tech est vitale ! 

Nous parlons de technologies avancées : HPC, IA, Data, qui doivent passer à l’échelle avec le cloud.  

Hugo Cornu qui es-tu ?

Je suis un ingénieur Supélec qui a fait toute sa carrière dans le traitement des données. Mon précédent job était à la tête de la practice Data d’un cabinet de conseil IT. Mais j’ai une passion pour la biologie qui me vient de ma mère, chercheuse en immunologie. Il y a deux ans j’ai croisé la route d’une startup incroyable, One Biosciences, fondée par une chercheuse, Céline Vallot et j’ai signé sans hésitation pour le Job de CTO qui réunissait ma passion pour la tech et celle pour le monde de la recherche au service de la santé.

Peux-tu présenter One Biosciences ?

One Biosciences est une startup en biotechnologie qui développe de nouvelles solutions pour des maladies complexes. Nous sommes spécialisés dans l'usage du "single cell" qui permet de séquencer le matériel génétique cellule par cellule. Cela permet d’analyser des différences entre des sous-types de cellules qui n’était pas observables avant. Cette compétence est développée par notre co¬fondatrice scientifique Céline Vallot, qui occupe également le poste de directrice de recherche à l'Institut Curie sur le "single cell".  A cause de la quantité de données générées par l’approche « single cell », nous utilisons beaucoup l’IA et depuis peu les Larges Genomics models.

Nous collaborons avec un vaste écosystème de partenaires, dont l'APHP, l'Institut Gustave Roussy ou encore l'Institut Curie pour obtenir des échantillons et utilisons des algorithmes spécifiques pour identifier les gènes les plus prometteurs pour le développement de médicaments. Actuellement, nous concentrons nos efforts sur des maladies telles que le cancer de l'ovaire, le cancer du cerveau ou encore une maladie rénale qui affecte des cellules rares.

Notre modèle économique repose sur le développement de médicaments en partenariat avec des laboratoires pharmaceutiques ou en propre. Nous souhaitons aussi développer l’utilisation du single cell et de l’IA pour le diagnostic des patients. Après une levée de fonds initiale de 7 millions, nous visons une nouvelle levée cette année. D’ailleurs nous avons été reconnus par le magazine Challenges comme l'une des 100 meilleures entreprises dans lesquelles investir.

Quelles sont les particularités IT dans le domaine de la bio-informatique et de la génomique auxquelles ton équipe est confrontée ?

1.  Les défis informatiques/technologiques

Ils sont nombreux et variés, englobant pratiquement toutes les grandes problématiques algorithmiques. Par exemple, il y a l'analyse d'images, l'analyse de réseaux biologiques (utilisant la théorie des graphes), le traitement du langage naturel (pour la bibliographie), ou encore les problématiques HPC.

2. Interdisciplinarité cruciale

Même avec douze ans d’expérience en data sciences, je n’ai jamais connu une aussi forte interdépendance entre expertise métier et IT. Nos équipes biologie et Tech/Data doivent constamment collaborer pour produire des résultats.

3. Sécurité et Confidentialité des Données 

Elles sont d’une importance capitale dans notre domaine, avec des normes plus strictes que dans d'autres secteurs industriels.

Comment êtes-vous organisés chez One Biosciences ?

Nous sommes douze collaborateurs répartis dans trois équipes.

Premièrement, l’équipe du laboratoire traite les échantillons biologiques afin de produire un profile ARN par cellule traitée. Deuxièmement, mon équipe effectuent des travaux de data engineering et d’algorithmie pour rendre les données exploitables et enrichies. Enfin, l’équipe biologie en tire de nouvelles cibles thérapeutiques, qui seront testées en laboratoire.

L'interaction entre ces différentes équipes est non seulement une nécessité mais aussi une force. Car c’est une grande source de satisfaction au travail pour les collaborateurs. Nous avons choisi d'installer nos bureaux dans le même bâtiment et au même étage que le laboratoire, favorisant ainsi les échanges quotidiens.

Peux-tu nous parler de ton équipe pluridisciplinaire et des stratégies que tu emploies pour favoriser la collaboration et l'innovation au sein de cette équipe ? D’ailleurs, comment maintiens-tu les niveaux d'expertise dans les différents domaines ?

Je m’appuie sur la communauté académique bio-informatique. L’année dernière, mon équipe a participé en cumulé à 5 congrès et 2 formations professionnelles. Et puis il y a les conférences en ligne, la lecture collective d'articles scientifiques, des POC. C’est du temps bien investi dont le ROI est visible.
Sur la continuité d’activité, nous essayons de former des binômes de compétences afin de gérer les absences. Par exemple, c’est impliquer un biologiste et data engineer dans la création d’un algorithme de réseau de gènes, de sorte que chacun soit autonome pour le faire évoluer.

Quels sont tes défis du moment ?

1. L’augmentation du nombre de projets

L’enjeu pour le futur de One Biosciences est le passage à l’échelle. Notre technologie peut apporter de nouvelles solutions dans de nombreuses maladies. Cette année, nous lançons quatre nouveaux projets cliniques, soit deux de plus que l’année dernière.

2. IA Générative et Génomique

L’IA générative n’est pas limitée aux textes et aux images. Elle peut également être entrainée sur des profils d’expressions ARN, ce qui a de nombreuses applications prometteuses en génomique. La maîtrise de ces modèles, appelés LGM (Large Genomic Models) est donc un enjeu pour rester dans la course. Par ailleurs, sur le sujet de l’IA, lors de l’AWS Summit, nous avons présenté comment nous avons modifié un LLM pour nos besoins de recherche bibliographique.

Selon toi quelles sont les différences à retenir entre un CTO en Startup et un DSI en ETI ou grand Groupe ?

Directeur technique dans une startup, ce n’est pas seulement travailler à une plus petite échelle. Il y a moins d'équipes et de projets en parallèle mais chaque projet est absolument vital pour la startup. Il faut donc garder à la fois une bonne maîtrise technique et un regard stratégique pour ne laisser pas ni d’erreur dans nos algorithmes, ni d’opportunité d’aller plus vite.

Enfin, quels conseils pourrais-tu donner à nos lecteurs avides d’embrasser une carrière comme la tienne ?

En tant que manager, il est naturel de se concentrer sur son équipe, mais pas au risque de s'oublier soi-même. Il est en fait nécessaire de prendre soin de son propre équilibre “vie pro vie perso”, sport, alimentation, projets perso, pour pouvoir s'occuper efficacement des autres.

Enfin, une communication claire des défis de l'entreprise et une participation aux décisions importantes renforcent l'engagement et la motivation des collaborateurs.