Blog - Aneo

Des rôles tournants pour éviter le « Bus Factor = 1 » chez Sogilis Lyon

Rédigé par Margaux Borel | 12 novembre 2019

Et si demain un pilier de votre équipe décidait de s’en aller ? Serait-elle en mesure de fonctionner aussi bien ? Qui reprendrait ses activités ? Une situation certes difficile mais pas insurmontable et surtout que l’on peut prévenir comme nous l’explique Augustin Richard, docteur en neuroscience et ingénieur de recherche chez Sogilis.

Sogilis est une société de développement logiciel née à Grenoble en 2008, sa mission est de « développer des applications sur-mesure qui tendent vers le zéro défaut, et faire en sorte de créer des logiciels “durables” qui coûtent moins cher à maintenir et à enrichir. »

Son fonctionnement est guidé par trois piliers :

  1. Enthousiasmer les clients
    « Satisfaire le client n’est pas suffisant, il faut le surprendre, lui apporter toujours plus de valeur, l’enthousiasmer ».
  2. Prendre du plaisir !
    Faire en sorte que chaque membre de la cellule s’épanouisse au quotidien, et soit enthousiaste et heureux de venir au travail. Les salariés sont libres dans plusieurs domaines, et notamment concernant leurs stratégies et leurs méthodes de développement.
  3. Être rentable
    Les salariés ont pour objectif de gagner de l’argent pour payer les salaires et contribuer aux frais fixes de l’entreprise.

L’idée est de ne pas reproduire ce qui se fait beaucoup dans le secteur de l’ingénierie logicielle, à savoir embaucher des ingénieurs qui ne sont ensuite que des exécutants. Les équipes construisent leurs offres et font, en conséquence, le choix des projets sur lesquels elles veulent travailler. - Laurent Mangue, Directeur Général & Associé chez Sogilis

C’est en s’appuyant sur ces piliers qu’un membre de l’équipe grenobloise a choisi de lancer une antenne à Lyon.

Le problème du « Bus Factor = 1 »

A ses débuts c’était un gérant et cinq collaborateurs, en charge de trouver leurs missions et de développer leur activité. Le gérant qui a lancé l’antenne a naturellement pris le lead sur le business, mais lorsque quelque temps plus tard il décide de saisir une nouvelle opportunité et de quitter son équipe, c’est un peu la panique : « Qui va se charger du business ? » « Mais au fait, comment ça marche l’administratif ? ... » Une période très difficile s’en suit, l’activité baisse, il n’y a plus de prospection. L’équipe, qui manque d’expérience, doit retrousser ses manches et trouver des solutions.

Contrer le « Bus factor = 1 » en mettant en place un système de rôles tournants

Le Bus Factor (ou Truck Factor) représente le nombre de personnes, « devant se faire écraser par un bus » pour que votre organisation soit en danger. C’est un facteur qui marque l’importance du risque lié au non-partage des informations et compétences au sein d’une équipe.

Dans le cas de Sogilis Lyon, ce facteur était de 1 : il a suffi que le gérant s’en aille pour mettre la structure en danger.

Mais comment faire pour éviter de tomber dans le même piège ? C’est la question sur laquelle Augustin et les autres membres de l’équipe ont dû se pencher pour sauver leur activité.

Deux objectifs ont animé leur réflexion :

  • Éviter un Bus factor = 1, soit lorsqu’une personne quitte l’équipe ou ne peut assurer sa fonction, la santé de l’organisation n’est pas mise en péril
  • Continuer à appliquer un principe qui leur est cher : la personne responsable d’une action n’a pas l’obligation de réaliser elle-même cette action

C’est ainsi qu’ils ont identifié et créé 5 rôles nécessaires au fonctionnement de la structure en plus de leurs rôles initiaux de développeurs ou ergonomes. Passionnés par la gamification et les jeux de société ils ont choisi de s’inspirer de l’univers heroic-fantasy pour les nommer :

Le Paladin, en charge du recrutement
Le Marchand, pour le business
Le Troubadour s’occupe de la communication
Le Voleur, en charge des finances
Le Scribe s’occupe de tout ce qui a trait à l’administratif

C’est un bon début pour pallier au départ de leur gérant, mais créer des rôles ne suffit pas. Si Jean est tout le temps Paladin, le jour où il est malade ou part en vacances le problème reste le même. Il est donc nécessaire que chacun (ou au moins quelques autres personnes) s’approprie chacun des rôles pour que ceux-ci soient toujours remplis.

 

C’est en se basant sur ce constat qu’ils ont choisi de rendre ces rôles tournants. Ainsi, ils réduisent le risque et permettent à chacun de grandir sur des sujets transverses. De plus, personne ne se retrouve « coincée » sur un sujet qui ne lui plait pas particulièrement sur une période de temps trop longue et tous les rôles sont remplis en continu.

Même si on est 2 ou 3 à partir d’un seul coup, la boite continue de tourner - Laurent Mangue, Directeur Général & Associé chez Sogilis

Les rôles tournants au quotidien : comment ça marche ?

Tous les mois, chaque membre de l’équipe endosse un nouveau rôle. Grâce au kanban qui est au mur, on voit qui a quel rôle et quelles sont les actions qu’il a à mener pour le mois. Le principe du « la personne responsable n’a pas l’obligation de réaliser elle-même cette action » est toujours en place, ainsi si un membre de l’équipe ne peut effectuer les actions qui incombent à son rôle elle peut les déléguer à des personnes plus disponibles et volontaires. A la fin du mois, tout le monde se retrouve pour faire une rétrospective, chacun partage ses succès, ses échecs, et ils déterminent collectivement comment faire différemment, si nécessaire, le mois suivant.

Et quand on adore ou au contraire abhorre son rôle ?

Il peut arriver qu’une personne souhaite conserver son rôle plus longtemps, dans ce cas, c’est à l’équipe de déterminer collectivement si cela est pertinent. C’est arrivé une seule fois pour le moment, lorsqu’un troubadour a souhaité conserver son rôle plus longtemps afin de finaliser des actions qu’il avait enclenché. De cette expérience est née la possibilité de garder son rôle deux mois d’affilé. Et quand il n’apprécie pas son rôle ? Cette question qui nous trottait dans la tête a une réponse assez simple, le responsable d’un rôle n’est pas forcément celui qui fait, ainsi il peut choisir de demander de l’aide aux autres, binômer ou tout simplement demande à quelqu’un d’autre de faire certaines tâches.

Quand on est 5 pour 5 rôles c’est facile, mais quand on est plus ?

Si quand les rôles ont été créés il y avait 5 personnes au sein de l’équipe, aujourd’hui elles sont 9 et cela fonctionne toujours. En effet chaque mois, tout le monde n’est pas obligé d’être porteur d’un rôle. Pour rappel, être porteur d’un rôle ne signifie pas être porteur de toutes les tâches qui lui incombent, ainsi quand on n’est ni Paladin, ni Troubadour, on peut quand même se retrouver à faire passer des entretiens de recrutement ou écrire des articles sur le blog de Sogilis. La quantité de travail inhérente à chaque rôle peut ainsi être répartie entre les membres de l’équipe en fonction de leurs disponibilités.

Avec la mise en application de ce système un nouvel enjeu est apparu : comment s’assurer que chaque rôle est bien rempli ? En effet, si en temps normal chacun est « owner » de son sujet, dans les périodes de rush ou parfois simplement de démotivation, pas facile de se concentrer sur son travail quotidien et son rôle du moment, il peut y avoir des oublis : « Ah bah j’ai rien fait sur mon rôle ce mois-ci ». Afin de palier à ce manque un sixième rôle est donc en test, celui du Page, qui a pour mission de s’assurer que chacun s’acquitte des tâches sur lesquelles il s’est engagé. On espère en savoir plus bientôt.

Une aventure qui nous inspire

En surmontant cette crise, l’équipe de Sogilis Lyon a réussi à convertir sa dépendance à une personne clé en une autonomie collective. Son activité a pu croitre de nouveau, mais surtout ses membres ont grandi grâce à une meilleure organisation et une meilleure connaissance de l’entreprise. On s’est interrogé sur la complexification de la structure, mais celle-ci ne semble pas se faire sentir par les collaborateurs.

A l’heure où vous lisez ces lignes, Augustin que nous avions interviewé s’est engagé dans une nouvelle aventure. Porté par son expérience au sein de Sogilis, riche en maturité et en confiance il s’est lancer à son tour dans l’entrepreneuriat, félicitations Augustin !