En 1930, John Maynard Keynes prédisait qu’à l’ère de ses petits-enfants, la durée de travail de l’homme serait de seulement 3 heures par jour. Si on n’en est pas encore là (bien que certains entrepreneurs se vantent de travailler 4 heures par semaine), plusieurs entreprises ont expérimenté la journée de 5 heures. Avec plusieurs conditions pour que cela fonctionne.
Avant de racheter Digital Enabler, Lasse Rheingans était salarié en entreprise. Pour pouvoir passer plus de temps avec ses enfants, il demande une baisse de salaire en échange de deux après-midis de congés par semaine. Au bout de quelques mois, force est de constater qu’il produit autant qu’avant, en moins de temps… Alors, quand il prend la tête de Rheingans Digital Enabler (‘RDE’), il décide d’instaurer une journée de 5 heures avec des niveaux de salaire et des jours de congés équivalents à une semaine traditionnelle de travail.
Bien entendu, Lasse Rheingans fait tout de même quelques recherches avant de se lancer dans le grand bain. Il tombe sur le cas de Tower Paddle Boards, une entreprise californienne qui produit des planches de paddle et a mis en place la journée de 5 heures en 2015 (ainsi qu’un partage de 5% des profits). Cette histoire l’inspire immédiatement, bien qu’en 2017 elle y ait mis fin, jugeant que l’entreprise avait perdu sa « start-up culture ».
Comment ça marche au quotidien
Les 16 employés de RDE arrivent à 8 heures et partent à 13 heures. Ils déjeunent après. Mais attention : ces 5 heures de travail, pour être aussi productives que les 8 heures d’une journée traditionnelle de travail, ont un règlement un peu particulier. Les téléphones restent en silencieux dans les sacs, les employés ne doivent pas regarder les réseaux sociaux et évitent les papotages entre deux plages de travail. L’idée est bien de réduire le temps de travail en augmentant l’intensité de la concentration et de la production (tiens, ça nous rappelle un autre article publié ici).
We have all experienced that: We sit in the office, out of energy, reading newspapers online or Facebook, just in need of the little pauses to recharge, but you don’t really recharge (…) My idea is focusing on the first five hours and then just leave, and have a proper break. - Lasse Rheingans
Pour favoriser cette intensité, non seulement les pauses personnelles sont réduites, mais aussi les éléments de distraction, même ceux qui peuvent être liés au travail : les boîtes mail sont consultées deux fois sur les 5 heures, et les réunions durent généralement 15 minutes.
Il est important de noter que, comme ailleurs, des urgences peuvent tomber sur les employés de RDE. Et, comme ailleurs, il arrive parfois que des heures sup’ soient nécessaires pour rendre un projet en temps et en heure.
Quel impact sur les clients, les collaborateurs ?
Côté clients, ceux de RDE sont satisfaits, notant que l’entreprise est aussi efficace qu’avant.
Le travail n’est pas un lieu, ni une durée. C’est une activité. - Lasse Rheingans
Du côté des employés, les sources en ligne indiquent qu’ils sont contents, bien que certains avouent qu’il y a une pression en plus par rapport à une journée plus longue : celle de faire autant en moins de temps. Ce qui est l’effet recherché.
Bien entendu, ce type de rythme n’est pas possible dans n’importe quel secteur. Premièrement, un client peut ne pas vouloir s’adapter à un fournisseur qui est présent le matin mais pas l’après-midi. Dans l’industrie, réduire le temps de travail réduirait le temps de production mécanique, et réduirait donc l’activité dans son ensemble. D’autres secteurs requièrent une présence 24h/24, des astreintes…
Cela n’empêche pas de tirer de cette pratique des principes fondamentaux que Stephan Aarstol, le PDG de Tower Paddle Boards, identifie comme suit :
• S’adapter au constat que 80% de la production effectuée est faite sur 20% du temps de travail
• Voir le travail non comme un temps mais comme un objectif à atteindre, un livrable à produire
• Se débarrasser de l’injonction (qu’on s’impose souvent à soi-même) d’être « à votre disposition »
• Utiliser la technologie pour automatiser tout ce qui peut l’être
Et vous, seriez-vous prêt(e) à ne travailler que 5 heures par jour ?