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Chez Handelsbanken, the branch is the bank !

Rédigé par Cassandre Verriest | 24 septembre 2019

Jan Wallander est arrivé à la tête de Handelsbanken dans les années 70, alors que la banque connaissait une grave crise financière et avait des ennuis avec les autorités réglementaires. Il a donc décidé de changer drastiquement le schéma managérial de l’entreprise et d’adopter un système fondé sur la décentralisation du processus décisionnaire et l’indépendance de ses branches.  Mais comment donner corps à cette vision dans un cadre réglementaire de plus en plus strict ?

Tirant les leçons des années 60, la croissance n’a jamais été la priorité pour Handelsbanken. Jan Wallander souhaitait plutôt en faire la plus profitable des banques nordiques en termes de rentabilité des capitaux propres. Et cette vision était mise en œuvre grâce à une très forte décentralisation, un service client plus compétent et des coûts moins importants que ses concurrents. Tous les changements internes qui endossaient cette nouvelle vision ont été recensés dans un manuel, appelé Our Way, qui devint très vite une lecture obligatoire pour tous les nouveaux employés.

Pour mener à bien cette transformation , Wallander a tout d’abord abandonné la mise en place d’objectifs de vente en accord avec le département marketing. Il était convaincu que cette approche centrée sur le produit ne fournissait pas assez d’informations sur les clients, leurs exigences changeantes et leur rentabilité.

Wallander a ensuite adopté un système radical de décentralisation. C’est en 1990 que la décentralisation fut quasiment totale, lorsque les managers des branches avaient le pouvoir de fixer les salaires et de choisir le nombre d’employés au sein de leur branche.

Encore aujourd’hui, les employés dans les branches sont considérés comme étant les mieux placés pour réaliser les décisions opérationnelles (accord d’un prêt, fixation des prix, or offres de réduction) tout simplement parce qu’ils connaissent mieux le client et ses attentes. En moyenne, les trois quarts des employés d’une branche ont le droit d’accorder des crédits, ce qui permet de fournir des réponses très rapides.

De même pour le marketing : mise à part l’introduction d’un nouveau produit destiné à toutes les branches, chacune est responsable des coûts inhérents aux opérations marketing.

Our customers don’t feel better because they can read the bank’s name on a football shirt or on the side of a bus. - Jan Wallander, fondateur de Handelsbanken

Certaines décisions sont par ailleurs toujours réalisées de façon centrale. Le processus de crédit ainsi que la politique de crédit sont gérés par le siège. Toutefois, ce sont les branches qui gèrent le risque de crédit. Les branches ont la responsabilité d’analyser et de prendre les décisions concernant le risque de crédit en suivant le processus de crédit défini par le siège. Si un client venait à devenir insolvable, la perte de crédit incomberait à la branche et serait absorbée dans son bilan global. De cette façon, chaque branche obéit aux réglementations bancaires. Un des principes phares de Wallander étaient de ne pas interférer dans la gestion des branches. Pour ce faire, ce dernier a supprimé les directives du siège envers les branches ainsi que les rapports réguliers. Si une décision s’avérait dommageable, les supérieurs servaient de soutien et non de répressif.

Les branches sont localisées là où sont leurs clients, ce sont donc elles qui connaissent le mieux les objectifs et souhaits de ces derniers. Les collaborateurs sur place sont considérés comme les plus qualifiés pour effectuer les décisions opérationnelles. Jan Wallander voulait tout simplement que les clients aient pour interlocuteurs privilégiés des décisionnaires qui sont capables de répondre à leurs besoins par des actes et non de simples exécutants.

Il existe aujourd’hui 3 niveaux hiérarchiques dans la structure de la banque : les managers de branche (environ 840), les managers de région (14) et le CEO. Une branche est constituée d’en moyenne 12 employés (un manager général ainsi que des account managers, conseillers… et parfois des Risk officers pour les plus grosses branches).

Les branches recrutent de façon complètement autonome avec pour seule obligation de l’effectuer par elles-mêmes. Notre interlocutrice ne peut donc pas nous en dire réellement plus sur les façons de faire de chaque branche mais sait qu’aujourd’hui les instructions du siège favorisent la cooptation,.

Redonner le pouvoir au collaborateur dans la banque passe également par une relation en interne qui s’inscrit sur le long terme. Chez Handelsbanken, le recrutement s’envisage comme un processus de long, voire très long terme. Notre interlocutrice nous explique que la stratégie actuelle est de s’orienter vers un recrutement à vie, la possibilité étant donnée à chaque collaborateur de changer de métier et d’orientation au sein de la banque.
Kristiina par exemple a commencé sa carrière en tant que manager des investissements financiers dans une des branches finlandaises, pour ensuite se tester à la gestion de portefeuille, et enfin se reconnaître dans la gestion des ressources humaines.

Les employés sont donc toujours appelés à apprendre à désapprendre leur métier pour en découvrir un autre par le learning by doing pratiqué avec l’aide des collaborateurs. Il faut rester entre 3 et 5 ans dans sa position pour changer de poste dans la banque. Lorsqu’un employé veut développer de nouvelles compétences en vue d’acquérir un nouveau poste, il est invité à suivre pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois selon le poste souhaité un de ses collègues. Notre interlocutrice nous explique qu’une journée par semaine est dédiée à l’apprentissage de ce nouveau métier. Un bon exemple est celui des corporate account managers qui passent trois semaines par an au département crédit du siège afin d’être familiarisé aux nouveaux processus crédit de la banque. L’employé doit cependant former son successeur à son tour s’il veut définitivement quitter son poste actuel.

Gagner en compétence et se diversifier est pour Handelsbanken la clé de la longévité, et de l’appartenance durable à une entreprise.

Aujourd’hui le modèle Handelsbanken fonctionne et inspire. Moody’s classe Handelsbanken dans le top 10 des banques européennes les plus sûres. Quant aux différences de performance entre les branches, Handelsbanken a adopté un système très particulier. Les branches sont comparées aux autres en utilisant principalement le coefficient d’exploitation mais aussi le profit par employé.
De plus, l’émulation entre les branches les oblige à faire des efforts et à devenir la meilleure. Pour conserver un terrain de jeu équitable entre les branches, Handelsbanken a adopté un système de handicap. Les régions à succès reçoivent l’année d’après les plus grandes allocations de capitaux, rendant la tâche plus difficile de faire un aussi bon score dans le futur. De même, les régions n’ayant pas le même succès reçoivent moins d’allocation de capitaux et peuvent donc entrer en compétition avec les autres les années suivantes.

Wallander a mis en place les fondements de la culture actuelle de la banque. L’actuel dirigeant Anders Bouvin se montre garant de l’état d’esprit de la banque. Ce dernier, ayant fait toute sa carrière dans la banque croit en ses méthodes. Il a d’ailleurs récemment dit dans la presse : « le succès d’Handelsbanken s’explique par le fait qu’on ne succombe pas aux tendances passagères du milieu bancaire. Les valeurs fondamentales sont intemporelles. C’est pourquoi certaines entreprises sont en difficulté : ils inventent des stratégies pour le court terme. »