Programmes d’intrapreneuriat, incubateurs, hackathons, séminaires d’entreprise… Les tentatives pour insuffler un esprit d’innovation dans les entreprises ne manquent pas. En revanche, l’élan qu’elles suscitent semble difficile à maintenir sur le long terme. TMC s’est fixé un objectif plus qu’ambitieux : faire de ses ingénieurs des entrepreneurs…avec la sécurité d’un contrat à durée indéterminée. Et pour laisser à leurs idées la liberté dont elles ont besoin pour grandir, TMC est prête à s’en séparer pour qu’elles deviennent des start-ups totalement indépendantes si besoin. Comment cela se concrétise ?
Pour TMC, c’est l’esprit entrepreneurial corrélé au développement personnel qui engendre une émulation positive et originale, et donc la qualité du travail effectué.
Son fondateur Thijs Manders est persuadé que les ingénieurs disposent d’un potentiel d’innovation sous-exploité, en partie à cause de leur aversion à la prise de risque. Il a pour ambition de faire de ces spécialistes souvent timorés des entrepreneurs ambitieux qui dépassent les barrières technologiques.
Le concept d’employeneurship, néologisme inventé par TMC, voit le jour en 2015 après un vote unanime des collaborateurs pour s’engager dans la transformation de leurs méthodes de travail : réfléchir et agir comme des entrepreneurs en bénéficiant de la sécurité d’un contrat à durée indéterminée. Cette proposition hybride doit permettre aux employés de développer une proactivité et des capacités d’innovation propres aux entrepreneurs, en écartant les risques associés à l’entrepreneuriat. Ce qu’on appelle aussi essayer d’avoir le beurre et l’argent du beurre.
Si Thijs Manders voulait inciter ses ingénieurs à oser entreprendre, il savait que ce ne serait pas si simple. Dès le début il propose à chacun de ses employeneurs d’être suivi par un coach pour leur permettre de développer leurs compétences personnelles, d’analyser et neutraliser leurs points faibles et de valoriser leurs points forts. Aujourd’hui ce sont 30 coachs externes qui suivent les employeneurs. Ce coaching fait partie du programme YOUniversity développé par TMC qui permet à chacun de se former et de créer son propre « yourney » pour développer les talents qui lui sont chers.
À ce sujet, nos deux interlocutrices nous partagent l’expérience particulièrement marquante d’un de leurs collègues, Mark Robinson. Mark était incroyablement talentueux mais avait du mal à s’exprimer en public. Son coach l’a donc challengé et poussé à « look beyond the boundaries », par le biais de formation, mais aussi par les actes. Présentation après présentation, Mark a développé une forte aisance à l’oral jusqu’à animer un TEDx. Aujourd’hui Mark a créé sa propre entreprise de coaching et aide ses clients à devenir de bons orateurs. Une chose est sûre, l’exemple est percutant ! Quelle évolution !
Mais comment parviennent-ils à maintenir la fougue et l’énergie de l’entrepreneuriat dans le contexte d’un emploi salarié long terme au sein d’une organisation ?
Être employeneur chez TMC, ça veut dire pouvoir participer à 2 grands types de projets : les missions de conseils que TMC délivrent à ses clients et la construction d’une startup. L’entreprise a souhaité que ses employeneurs se sentent libres d’entreprendre quand et comme ils veulent. Chacun est libre de se lancer seul ou en équipe, sur un projet qu’il lui tient à cœur de développer. L’entrepreneurial Lab est un lieu dédié à ces entrepreneurs en herbes qui ont accès à tous les outils techniques et de gestion nécessaires pour leur projet. En effet, les employeneurs sont bien souvent des ingénieurs qui ont soif d’approfondir leurs connaissances sur des domaines technologiques souvent pointus. Cet incubateur n’a donc rien à voir avec ceux que nous avons l’habitude de visiter en entreprise ou en école ! Les étagères sont pleines d’outils et les maquettes et prototypes de robots jonchent le sol. On y retrouve plusieurs équipes et notamment des accompagnateurs qui apportent leurs précieux conseils aux entrepreneurs.
L’employeneurship va bien plus loin qu’une équipe et un lieu dédiés à l’innovation. Les employeneurs peuvent consacrer jusqu’à 50% de leur temps de travail à leur projet de startup et bénéficier d’un salaire fixe tous les mois. Une liberté de temps et d’esprit qui leur permet d’être plus créatif, plus productif et plus engagé dans leur projet entrepreneurial ! Mais concrètement, comment ça marche ?
Chaque employeneur a un contrat à durée indéterminée et un salaire de base qu’il peut complémenter grâce à une participation individuelle aux résultats. Pour chaque mission de conseil, le tarif horaire est négocié et la marge individuelle est calculée en prenant en compte le salaire de base et les frais qu’engage TMC pour la mission et le consultant. La structure de coûts et de revenus est transparente.
À ce sujet, nos interlocuteurs Lotte et Noortje nous expliquent qu’il y a deux écoles : les « free-lancers » qui cherchent à maximiser leur profit financier, et les « challengers » qui choisissent plutôt de demander à réinvestir leur part du profit dans un projet de développement personnel, dans de la formation, dans leurs projets entrepreneuriaux ou encore en tant que budget additionnel pour la communauté qu’ils animent chez TMC.… Évidemment, les deux profils sont présents et complémentaires au sein d’une même équipe. Elle ajoute que quoiqu’il arrive, les bénéfices à la fin du mois seront équitables. Chaque contrat est donc personnalisé pour tenir compte des préférences et souhaits personnels des collaborateurs.
Ce modèle salarial est une aubaine pour les entrepreneurs et leur permet de s’engager sereinement dans leur projet. En outre, TMC ne prend aucune part dans ces startups, ni pendant leur incubation, ni une fois qu’elles sont arrivées à maturité et quittent l’entreprise. Les projets pouvant profiter à l’activité de TMC sont regardés de près, et TMC possède des conditions préférentielles pour acheter des licences d’utilisation ou les produits développés par les employeneurs. Dès lors qu’ils quittent l’entreprise, l’entreprise perd ces conditions préférentielles, mais notre interlocutrice nous confie que de nombreux entrepreneurs ayant pris leur envol continuent d’offrir des promotions à TMC en guise de reconnaissance à l’entreprise qui les a fait grandir.
Qu'est-ce que ça apporte à TMC ?
S’il semble onéreux au premier abord, le concept de l’employeneurship a démontré pour Futurice une rentabilité sur le long terme : sa valeur réside dans la formation, le bien-être et l’engagement que cela suscite chez les employés de TMC, qui à leur tour impactent la valeur délivrée par TMC à ses clients. Quant aux anciens employeneurs qui quittent l’entreprise pour se lancer pleinement dans le développement de leur startup, ils deviennent de véritables ambassadeurs qui participent à l’attractivité globale de l’entreprise. TMC profite donc d’un réseau élargi et d’une image très positive pour ses employés, mais aussi pour ses clients.
Aujourd’hui, environ 2% des employeneurs dont les projets entrepreneuriaux arrivent à maturité décident de prendre leur envol. Mais pour Lotte pas besoin d’avoir nécessairement des projets matures. Il suffit que le collaborateur ait l’envie d’entreprendre, d’être créatif, de s’intéresser à de nouveaux domaines, de se poser de nouvelles questions et de se mettre à la place des autres pour qu’il devienne plus performant, et surtout que son engagement soit d’autant plus fort. Défricher de nouveaux terrains selon les appétences de chacun, telle est la devise de TMC.
Tout est dans le challenge chez TMC : quand, à la fin de l’entretien, nous visitons les locaux avec Lotte, elle nous présente à une équipe d’ingénieurs qui développent une ruche connectée. Ils en ont déjà vendu plus de 10 mais ne se sentent pas prêt à se lancer. Lotte en revanche, qui croit dur comme fer à leur projet et voudraient les voir développer leur projet pleinement, lance au passage à l’équipe : « When are you going to quit? »
Cliquez ici pour poursuivre votre découverte de pratiques mises en place pour innover autrement. Ou alors, continuez ici votre parcours de découverte de l’innovation managériale !