Le Butler Way : tous capitaines d’équipe !

Écrit par Adèle Boinnot, le 18 juillet 2018

Parmi les équipes du tournoi national de basketball universitaire américain NCAA, il y en a une qui sort particulièrement du lot : les Butler Bulldogs de la Butler University à Indianapolis. Petite équipe d’une petite université (et donc au petit budget), elle enchaîne les records et nage à contre-courant des pratiques standards du basket universitaire. Son ingrédient secret ? Pas de grande star exceptionnelle, mais l’humilité de tous au service de l’équipe !

1,2,3 Butler – We fight Together! – What will we be? Champions!

Il est 6h du matin, premier jeudi du mois de novembre 2017, et on entend déjà crisser les chaussures des Butler Bulldogs (équipe de basketball masculin) sur le parquet du gymnase de la Butler University à Indianapolis. Leur objectif : les phases finales de la NCAA (National Collegiate Athletic Association). Rien que ça.

Il faut dire qu’ils ont de bonnes raisons d’espérer, puisqu’ils ont déjà été sacrés vice-champions en 2010 et 2011, devenant ainsi la plus petite université à arriver en phase finale de la NCAA deux années consécutives. Emmenés à l’époque par le coach Brad Stevens (entraîneur des Celtics de Boston depuis 2013), il avait établi deux nouveaux records pour cette compétition : plus jeune coach à emmener son équipe deux fois en phase finale, il a aussi gagné plus de matchs dans ses quatre premières années en tant que coach que n’importe qui dans l’histoire de cette compétition. Plutôt pas mal.

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Mais Brad n’est pas la seule raison de la réussite de cette équipe. Ce n’est pas non plus un budget exceptionnel alloué au recrutement des plus grandes stars du pays, car leur budget est même plutôt infime.

Leur arme secrète : l’humilité.  Oui, parce que contrairement à ce qu’on peut voir habituellement dans le monde du sport (et plus largement dans n’importe quel contexte compétitif), les superstars à l’ego et au talent démesurés ne sont pas ici considérées comme un atout, mais plutôt comme un frein à la réussite de l’équipe.

Des membres d’équipes avec un faible ego au service de la réussite collective avant leur propre réussite personnelle…hum, ça rappelle fortement la philosophie qu’applique le vignoble Sea Smoke Cellars pour faire le meilleur pinot noir possible (ils l’appellent leadership sans ego et sans management).

Chez les Butler Bulldogs, ils appellent ça le « Butler Way » : humilité, passion, unité, reconnaissance et se mettre au service de (on n’a pas trouvé de meilleure traduction de servanthood). Cette philosophie et ces valeurs font battre le cœur de cette équipe depuis 1920, insufflées à l’époque par l’entraîneur et directeur sportif légendaire Tony Hinkle (coach des Bulldogs entre 1926 et1992). Pour la petite anecdote, c’est aussi le bonhomme à l’origine de la couleur orange des ballons de basket (pour qu’on les distingue clairement sur le terrain). Un grand homme donc :)

If you want humility in a team, it helps to have a leader who lives it - Adam Grant, Psychologue des organisations

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Le rôle de Tony, Brad, et aujourd’hui de son successeur Laval Jordon, c’est de s’assurer que les joueurs n’essayent pas de devenir des stars individuelles au détriment de l’équipe. Mais pour créer une culture d’humilité il ne suffit pas de rassembler quelques grands échalas aux longs bras d’une grande humilité. Concrètement, le Butler Way ça veut dire quoi ?

Ça veut dire par exemple : pas de capitaine d’équipe, mais DES capitaines d’équipe. En 2008, alors qu’il vient d’être nommé entraîneur principal des Butler Bulldogs, Brad doit décider qui il nommera capitaine d’équipe pour la saison à venir, et c’est un véritable casse-tête. Chacun des joueurs du 5 majeur mérite ce titre et l’incarne dans son comportement. Qu’à cela ne tienne, ils seront tous capitaines. Brad pousse le Butler Way un cran plus loin : il l’inscrit dans la structure de l’équipe. L’année suivante, il ne s’embarrasse même pas de la question :  les joueurs seront tous capitaines d’équipe, en permanence, depuis le petit jeune qui vient d’arriver jusqu’aux joueurs séniors. En effet, l’équipe ne doit faire qu’un, et chacun doit se sentir complètement responsable et titulaire au sein de l’équipe, au même titre que n’importe quel autre pour donner le meilleur de lui-même. Donc chacun doit être un leader et un moteur pour l’équipe, coach compris.

L’humilité c’est aussi (et surtout) savoir reconnaître ses erreurs dans la défaite : c’est ça le vrai test ! Kilian, joueur sénior de l’équipe explique que c’est à la suite d’une défaite qu’il a vraiment compris la puissance de l’humilité : au lieu de pointer un doigt accusateur vers les joueurs, parce qu’ils n’auraient pas respecté ses consignes ou qu’ils auraient été en-dessous du niveau exigé (ce qui serait franchement le plus facile), Brad parle ouvertement de ses erreurs de coaching et des pistes pour faire mieux la prochaine fois, ensemble. "We made some mistakes as a team, not just the players." S’il ne le faisait pas, il n’y a aucune chance que les joueurs oseraient mettre en avant leurs erreurs dans l’optique de les corriger en équipe.

If you can't look in the mirror and say I have some things to work on, it's hard to get better... - Brad Stevens, Coach des Butler Bulldogs

Ça se traduit également par des choix affirmés pendant le recrutement des joueurs, parce que tous ne peuvent pas s’inscrire dans une culture où l’humilité est reine. Comme chez Sea Smoke Cellars, le recrutement est garant de l’équilibre de l’équipe.

Par contre, il ne faut pas non plus se leurrer, la personnalité et la culture des joueurs ne remplacent pas le talent : si vous mettez sur patte une équipe de 12 gentils gars incapables de mettre un ballon dans le cerceau, vous aurez beau faire, vous aurez 12 gentils gars qui perdent ! Par contre le talent ne suffit pas à lui seul, et ils ne sont pas prêts à compromettre leurs valeurs pour des bras en or.

You have to have talent, you have to have culture. Now, you’re never gonna sacrifice the culture for the talent, it’s the thing - Laval Jordon & Brad Stevens

Évidemment, on se demande jusqu’où ils sont prêts à aller pour refuser un LeBron James qui n’aurait pas l’esprit Butler. La réponse est cinglante : on cherchera le prochain LeBron aussi talentueux que possible qui A l’esprit Butler. L’une de leur question préférée pour détecter ce fameux esprit Butler : « Tu préfères que ton équipe gagne mais que tu ne marques que 5 point, ou que ton équipe perde mais que toi tu ais marqué 20 points ? ». Si on rajoute un petit contexte dans le style « il y a des recruteurs pour la NBA dans les gradins », les réponses deviennent plutôt intéressantes !

Le Butler Way, une belle leçon de sport !

It’s really a commitment to something bigger than yourself! - Brad Stevens, Coach des Butler Bulldogs